La marque sur le mur
Je pense souvent à cette image que je suis seul à voir et dont je n'ai jamais parlé.
Tous les jours, elle me nargue, me regarde. Elle sait que je suis le seul à la voir.
Tout a commencé il y a deux ans. Je venais d'arriver au village. Bien que la rumeur faisait fuir les touristes, j'aimais braver l'histoire de cette maison hantée.
J'insistais pour aménager rapidement dans ces lieux.
Une maison rouge surmontée d'un haut toit en pointe sur laquelle trône une girouette. Au-dessus du perron deux gargouilles gardent l'entrée. l'encadrement noir des fenêtres donne à la demeure des yeux rétrécis qui vous surveillent, vous épient.
L'intérieur sombre lui donne un cachet surnaturel. L'escalier central domine un hall aux allures de château. Le sol en marbre, sur lequel résonne chaque pas, s'insinue sur toute la surface du rez-de-chaussée.
L'étrangeté des lieux me fascine. J'aime regarder cette cheminée en marbre noir qui domine une salle à manger aux dimensions gigantesques.
Chaque pièce est une découverte, un enchantement pour qui apprécie l'étrange.
J'aime à penser que cette demeure est unique, et il y a cette marque sur le mur.
Je ne peux en parler, je ne peux la montrer , on me croirait fou.
Je l'effleure parfois du bout des doigts comme pour me persuader de son existence. J'ai tout fouillé, j'ai tout retourné pour voir s'il n'y en avait pas d'autre, mais rien, elle est seule et unique.
J'ai fait des recherches sur la maison pour connaître son passé, mais mis à part un meurtre, une mort suspecte et la disparition de la bonne, aucune information n'indiquait l'existence de ma marque.
Pourquoi est-ce invisible aux yeux des autres? Cette question me hante.
La nuit, il m'arrive de me lever, de descendre l'escalier, de marcher sur ce marbre froid et de venir contempler cette marque.
Cela devient une obsession. Parfois je rentre déjeuner à la maison et je passe mon temps à l'observer, oubliant mon repas. J'y pense tout le temps.
Je finis par croire qu'elle me regarde aussi.
Et toute cette étrangeté ne me fait pas peur. Je n'en parle à personne, on dirait que je suis possédé par les fantômes de ma maison.
C'est vrai que quelquefois ils font du bruit dans le grenier, qu'ils claquent les portes ou me font quelques frayeurs en se montrant, mais rien ne me ferait quitter cet endroit.
Dans le village, on a peur de moi, on parle tout bas derrière mon dos. « C'est l'homme à la maison hantée ». J'ai eu quelques visites, le maire, le curé et parfois les enfants qui jouent à « celui qui osera sonner à ma porte ».
Mes amis ne fréquentent pas souvent la région, je les vois très rarement et je vis seul. Alors pour gâcher mon ennui et pour ne pas briser l'image que l'on a de moi, j'ai pris un petit chat noir comme compagnon et je l'ai nommé « mystic ».
Et bien croyez le ou non, mais Mystic voit la marque.
Tous les jours comme moi, il passe à coté et la regarde. Il s'assoit devant et penche la tête tout doucement de droite à gauche, dans une lente danse qui dure des heures.
Souvent, il lance la patte en sa direction. Il joue avec, et moi qui aimerais pouvoir l'oublier.
Mais comment l'oublier, constatez que cela fait un moment que je vous en parle, mais je ne vous ai pas dit à quoi elle ressemble.
Elle est blanche et rouge, elle représente une empreinte de doigt.
Ce n'est pas du sang, ni quelques substances, comme sauce tomate, rouge à lèvres ou autres.J'ai essayé de l'enlever, mais c'est indélébile. C'est incrusté dans le mur de ma salle à manger. Au-dessus de l'âtre en plein milieu comme un oeil qui me regarde, qui m'observe.
J'ai essayé, j'ai essayé de l'enlever, mais comment enlever un défaut du bois.